Un pont transbordeur se situait à l’entrée du Vieux-Port de Marseille pendant la première moitié du XXème siècle. Il permettait le passage des navires de grande hauteur. Une nacelle transportait les personnes, voitures et marchandises d’une rive à l’autre.
L’inventeur Ferdinand Arnodin (1845-1944) a conçu plusieurs ponts dont celui de Marseille. Ce dernier, déclaré d’utilité publique en mars 1902, fut construit en 3 ans pour être inauguré le 15 décembre 1905.
Le pont à transbordeur de Marseille était du type « à contrepoids et articulations ». Il était conçu pour résister à l’action non négligeable du vent en ne lui offrant aucune prise, tout en absorbant les mouvements de la nacelle et de sa charge. Il pouvait résister à une pression de vent de 270 Kg/m2.
Deux pylônes d’un poids de 240 tonnes et d’une hauteur de 86,60 m supportaient un tablier long de 239m. Un bateau de 50 m de hauteur pouvait passer au-dessous. La nacelle suspendue pesait 20 tonnes, faisait 10 x 20 m pour une surface de 120 m². Le poids total de l’ouvrage était de 1.400 tonnes.
On traversait en 1 minute 30 (au lieu de 35 minutes de marche pour faire le tour du bassin !
La vie du pont n’était pas monotone : lieu de passages, lieu de sociabilités, lieu de croisement entre les personnes des quartiers huppés, ceux des docks et des usines. On ne s’y ennuyait pas !
Voici quelques anecdotes relevées par le site http://ponttransbmarseil.free.fr :
Le 7 juillet 1913 – Lors de la traversée, un passager nommé Joseph R. ayant jeté une bouteille vide à la mer s’est fait sermonner par l’employé qui a été reçu par des insultes… En arrivant au quai, le nommé Joseph R. lui a donné un coup de poing et l’employé a riposté en lui portant au visage un violent coup de trompette (qui servait alors à annoncer les embarquements et débarquements). Ensanglanté, l’agresseur revenait peu de temps après avec 3 individus qui sont tombés sur l’employé Henry C. à grands coups de poing. Deux soldats et le wattman étant venus à son secours, les agresseurs sont vite repartis en montant la rampe Saint Maurice..
.
Le 11 mai 1914 – En fin de journée, sur la nacelle allant de Saint Jean à Saint Nicolas, voulant sans doute débarquer plus rapidement, un passager a traversé sur le cadre roulant de la nacelle et n’a pas vu une cordelle et une poulie en mouvement qui l’ont coincé et décapité sur le coup…
Le 18 mai 1914 – Le Docteur T. Directeur des services sanitaires demande l’autorisation de placer des fils d’antenne pour récepteur de TSF sur le haut du pont transbordeur en vue d’études scientifiques exclusivement personnelles.
Le 3 juin 1916 – Une bande de désœuvrés se présenta à la nacelle pour faire la traversée et profita de la cohue pour oublier de payer quelques passages… L’employé de la nacelle A. s’en étant rendu compte les a obligés à payer leur place. Ils se sont exécutés, mais en arrivant côté Saint Jean ils l’ont roué de coups de pieds et de poings. Celui-ci s’est retrouvé à l’hôpital et eut plusieurs jours d’arrêt de travail.
Le 23 mars 1926 – Les usagers se plaignent des projections d’huiles sur leurs vêtements, provenant des hauteurs du pont. Il s’agit de l’huile servant à lubrifier les organes de transmission.
Le pont cessa de fonctionner en 1944 faute d’entretien. Pendant la bataille de la libération de Marseille, l’armée allemande dynamita le pont pour bloquer l’entrée du port aux navires alliés.