Sarah Bernhardt et le fortin de Belle-Île-en-Mer

En 1896, Sarah Bernhardt était en villégiature en Belle-Île-en-Mer, dans le Morbihan. Lors d’une promenade sur la pointe des Poulains, elle voit un fortin à vendre et l’achète.Très vite, l’ouvrage défensif, qui a été restauré, s’avère trop petit pour recevoir ses nombreux invités. Sarah Bernhardt fait construire la villa Lysiane(du nom de sa petite-fille).
A Belle-Ile, les journées de la tragédienne sont particulièrement bien remplies.”Je me repose en me fatiguant”,explique-t-elle à des amis. Sarah Bernhardt se sépare de la propriété en 1922. Pendant de longues années le fort et ses dépendances furent laissés à l’abandon.En 2000, le domaine a été acquis par le conservatoire du littoral.Depuis 2006 la communauté de commune y gère un espace muséographique consacrée à la vie insulaire de la grande tragédienne.

On imagine difficilement aujourd’hui l’aura de cette comédienne. Voici ce qu’en écrit Marcel Proust dans “A l’ombre des jeunes filles en fleurs” se remémorant une représentation de Phèdre à laquelle il assista adolescent, et évoquant de façon très ironique la difficulté d’apprécier le talent d’un artiste en faisant abstraction de sa popularité :

” On apprend la victoire, ou après coup quand la guerre est finie, ou tout de suite par la joie du concierge. On découvre un trait génial du jeu de la Berma huit jours après l’avoir entendue, par la critique, ou sur le coup par les acclamations du parterre. Mais cette connaissance immédiate de la foule étant mêlée à cent autres toutes erronées, les applaudissements tombaient le plus souvent à faux, sans compter qu’ils étaient mécaniquement soulevés par la force des applaudissements antérieurs comme dans une tempête, une fois que la mer a été suffisamment remuée, elle continue à grossir, même si le vent ne s’accroît plus. N’importe, au fur et à mesure que j’applaudissais, il me semblait que la Berma avait mieux joué. « Au moins, disait à côté de moi une femme assez commune, elle se dépense celle-là, elle se frappe à se faire mal, elle court, parlez-moi de ça, c’est jouer. » Et heureux de trouver ces raisons de la supériorité de la Berma, tout en me doutant qu’elles ne l’expliquaient pas plus que celle de la Joconde, ou du Persée de Benvenuto, l’exclamation d’un paysan : « C’est bien fait tout de même ! c’est tout en or, et du beau ! quel travail ! », je partageai avec ivresse le vin grossier de cet enthousiasme populaire.”

Guillaume Richard

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